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.Apparemment, les gamins avaient transformé l’espace sous les escaliers en toilettes improvisées, et l’odeur d’urine et d’excréments la poursuivit tout le long de son ascension.Sur le palier du second étage, l’air se fit plus frais.Elle se dirigea vers la droite.Elle regarda au-delà des portes qui flanquaient le couloir, mais toutes les pièces étaient vides.Elle allait appeler Chelsea à voix haute lorsqu’elle la trouva dans la dernière chambre au bout du couloir.La fille lui tournait le dos, mais Cindy reconnut ses cheveux hérissés ; elle était occupée à remplir de vêtements son sac à dos.— Chelsea ? fit Cindy à voix basse.La fille se retourna d’un bond en feulant comme une tigresse.Sa main plongea dans sa poche et en tira un couteau à cran d’arrêt.Le déclic de la lame quittant son logement résonna dans l’air où il resta suspendu, comme une menace.— Hé, pas de panique, fit Cindy.— T’es qui, toi ?— Une amie.Rappelle-toi, on s’est croisées une de ces nuits.Ici, dans cet immeuble.Autant essayer de calmer une bête sauvage aux abois.Les yeux de Chelsea étaient voilés par la peur.Elle regarda par-dessus l’épaule de Cindy, puis ses yeux revinrent sur la jeune femme.Le cran d’arrêt tremblait dans sa main.— C’est… lui qui t’as envoyée ?— Lui ? Tu veux dire Jim ?— C’est qui, Jim ?— Le type qui t’a effrayée, hier soir, devant le restau.Il ne voulait pas te faire peur.Chelsea lui jeta un regard indéchiffrable.L’angoisse était toujours là, brûlant dans ses yeux, étirant la peau sur ses pommettes et son front.Mais Cindy était sûre que Chelsea se rappelait de l’incident d’hier soir.Pourtant, quelque chose brouillait ses souvenirs, et semblait la figer sur place.Cindy se rappela les mots du jeune dealer.Elle avait l’air raide défoncée.Complètement faite.Et Cindy réalisa où elle avait déjà vu ce genre de regard.— Qu’est-ce que tu as pris, et en quelle quantité ?Chelsea cligna des yeux.— Tu crois que je suis camée ?Cindy parla d’une voix basse qui se voulait rassurante.— Écoute, on a tous eu nos mauvais trips.Ça va passer.On peut rester là et attendre que tu redescendes, ou on peut aller à l’hosto.J’ai de l’argent pour la prise en charge, alors si tu…Chelsea la coupa d’un rire sec, amer.— Merde, j’aimerais bien que ce soit si facile.— Tu n’es pas…— Je ne prends plus de came.Peut-être que je devrais m’y remettre.Lorsque j’étais défoncée, je ne l’entendais plus.— Qui ça ?— Mon père.Il est là, (elle tapota l’index de sa main libre contre sa tempe), dans ma tête.Et il ne la ferme jamais.En écoutant parler Chelsea, elle ne put s’empêcher de penser à son propre père, complètement bourré et tentant malgré tout de la convaincre qu’il n’avait rien bu, rien de la journée, pas même une bière.— Écoute… commença-t-elle.— Oh, je sais de quoi j’ai l’air.Je suis pas conne.On dit que ce fils de pute est mort, et pourtant, il me parle dans ma tête.Et il va massacrer ces filles alors que tout… tout ce qu’il veut…La voix de Chelsea se brisa, et ses yeux s’emplirent de larmes.— Tout ce qu’il veut… c’est me tuer… moi.Cindy ne put que compatir.Malgré ses dénégations, Chelsea était peut-être droguée jusqu’à l’os, mais elle avait l’air à bout.— Inutile de rester seule, dit-elle en faisant un pas en avant.Je peux…Elle s’immobilisa lorsque Chelsea brandit le cran d’arrêt d’un air menaçant.Elle s’essuya les yeux sur la manche de son blouson.— Qui tu es, toi, d’abord ? dit Chelsea, revenant à sa question initiale.Qu’est-ce que tu me veux ?— T’aider, rien de plus.— Pourquoi ?— Parce que… je ne sais pas.Parce que tu as peur et que tu as besoin d’aide, et que je sais ce que c’est d’être seule, sans personne pour te remonter le moral.Peut-être que j’essaie d’être pour toi l’amie que j’aimerais moi-même avoir.— Même si tu ne me connais pas ?— Peut-être parce que je ne te connais pas, justement, répondit Cindy avec franchise.J’ai l’impression que c’est toujours les gens dont on est le plus proche qui nous font le plus de mal.Elle pensa à sa mère, partie sans elle ; à son père, ivrogne et brutal ; à sa tante qui se bouchait les oreilles lorsque Cindy disait que son père la battait ; aux voisins qui ne voulaient pas s’en mêler, même s’ils ne savaient que trop ce que signifiaient les cris provenant de l’appartement d’à côté.Son expression dut trahir le tour que prenaient ses pensées, car Chelsea hocha la tête, comme pour reconnaître le courant impalpable de sympathie qui passait entre elles.Elle rentra la lame du couteau dans le manche et le remit dans sa poche.— Ton père… il te baisait ? demanda-t-elle.Cindy fit non de la tête.— C’était un alcoolo.Et lorsqu’il avait trop bu, il me battait.Chelsea haussa les épaules.— Ça revient au même.C’est toujours la puissance qu’ils ont sur toi qui les fait triquer.— Sans doute.— T’as pas l’air trop amochée, dit Chelsea après un instant de silence.Cindy hésita, puis tira les pans de sa chemise passée dans son jean et exposa son ventre nu.Sa peau était ravagée par une douzaine de cicatrices.Des brûlures de cigarette.— Putain de merde, chuchota Chelsea.Elle s’assit par terre et s’appuya contre le rebord de la fenêtre, tournant le dos à Cindy qui remettait sa chemise dans son pantalon.Chelsea regarda au-dehors, la grande cour vide qui s’étendait à côté de l’immeuble, un espace désolé que se disputaient les herbes folles, les morceaux de verre et de béton et d’autres ordures indéfinissables.Cindy vit une ouverture dans ce changement d’humeur et traversa la pièce pour s’asseoir à ses côtés, assez près pour la toucher, mais elle préféra poser ses mains sur ses genoux [ Pobierz całość w formacie PDF ]

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