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.— Sa Majesté souhaite vous voir sur-le-champ.Mundina examina Clara, lissa sa robe et en chassa toute trace de poussière.— Allez, courage, dit-elle en poussant Clara vers la tente.Clara entrevit Eleanora de Sicile, reine des vastes domaines d’Aragon, assise très droite sur un siège imposant, avant de s’abîmer en une profonde révérence.— On m’a dit que tu t’appelais Clara, dit Doña Eleanora, dont le regard était attiré par la chevelure sombre, étrangement coupée de la jeune fille.— Oui, Votre Majesté, dit Clara toujours inclinée.— Et il semble que tu ne prétendes à aucun autre nom, mais nous en reparlerons plus tard.Tu peux te relever, Clara.Elle le fit de manière assez gracieuse malgré ses jambes qui flageolaient, mais elle garda les yeux baissés.— J’ai reçu une lettre des plus mystérieuses te concernant, mon enfant, dit la reine en portant sur elle un regard interrogateur.Mais l’homme qui l’a rédigée est un fidèle serviteur à qui nous devons beaucoup.Il nous supplie de prendre soin de toi et, par égard pour lui, nous le ferons.Ta suivante et toi-même devez être épuisées et affamées après une telle traversée.Clara était en proie à une telle confusion qu’elle ne put répondre et se contenta d’une nouvelle révérence.La reine se leva et fit un pas comme pour inspecter de plus près sa nouvelle recrue.Doña Eleanora était grande et mince comme un lévrier et portait une ample robe de soie chatoyante.Quand elle était perdue dans ses pensées, comme en cet instant, son visage était grave, serein, très beau, tel celui de la statue de marbre d’une sainte qui vous contemple pendant la messe, songea Clara.— Si tu es l’espionne ou l’assassin que l’on prétend, envoyée ici pour aider les Sardes ou détruire Sa Majesté le roi, tu m’as l’air trop petite et mal nourrie pour un tel rôle.C’est la raison pour laquelle les gens porteront sur toi un regard suspicieux, Clara, ma nouvelle dame de compagnie.Ta réputation t’a précédée.Blême, Clara regarda la reine pendant un temps qui lui parut infini.Sa Majesté se mit à rire et s’installa sur une couche moelleuse.— Tu as un visage très éloquent, mon enfant.Je trouve cela rassurant.Une jeune fille aux grands yeux sombres et au teint basané du Sud vint arranger les plis de sa robe et placer auprès d’elle une petite table.— Que l’on m’apporte une boisson fraîche, dit la reine, et la petite esclave disparut derrière un rideau.Maria, vous prendrez soin de cette pauvre enfant.Une femme belle et élégante s’approcha et fit la révérence.— Certainement, Votre Majesté, dit-elle avant de tendre la main à Clara.— Est-ce vrai ? demanda Clara à Doña Maria López de Heredia alors qu’elles s’approchaient de la seconde tente.— Que l’on ait raconté que vous pourriez être un assassin ? dit Doña Maria.Oui.Je ne pense pas que Sa Majesté la reine le croie, mais ces rumeurs l’intriguent et l’intéressent.C’est une femme intelligente, très au fait des affaires de l’État.On ne la trompe pas aisément, ajouta-t-elle.— Mais on m’a dit que j’étais là pour coudre, dit Clara quand elles pénétrèrent sous la tente.— À quoi d’autre pourriez-vous vous occuper ? demanda Doña Maria avant d’éclater d’un rire sonore.Croyiez-vous réellement que l’on vous avait envoyée ici pour ravauder ? Pauvre enfant.Que devez-vous penser de Sa Majesté, pour imaginer qu’elle puisse transformer une jeune dame en une couturière ? Pourquoi pas laver les écuelles à la cuisine ? Vous avez envie de faire un brin de toilette, je pense, ajouta-t-elle en recouvrant son sérieux, et de souper.Nous aurons le temps demain de parler de vos devoirs.Le lendemain, la suivante de Doña Maria conduisit de nouveau Clara vers la seconde tente, où plusieurs dames de compagnie de la reine étaient occupées à broder en bavardant librement.Clara prit place près de l’entrée.Il y avait là six femmes d’âges divers assises sur des bancs ou des chaises et trois ou quatre autres, debout ou affairées à table.Elles étaient toutes élégamment vêtues de robes d’été légères, et il était difficile de distinguer les maîtresses des suivantes.Elle suscita des regards curieux, des hochements de tête et des sourires, mais personne ne parla.Apparemment, Doña Eleanora n’était pas encline à poursuivre son enquête sur la situation de Clara.La seule personne que la jeune fille connût, Doña Maria, se trouvait auprès de la reine.Elle s’assit donc, oisive malgré elle, et regarda les autres bavarder et rire tout en brodant.Finalement, n’y tenant plus, elle se tourna vers la dame assise le plus près d’elle.— Permettez-moi de démêler ces fils de soie, dit-elle avec timidité.La dame parut surprise.— Je ne vois pas pourquoi vous feriez cela.— Mais je n’ai pas d’autre occupation… Je n’ai pas d’ouvrage avec moi.Et quand les fils de soie de ma mère étaient emmêlés…— Blanquina, Doña Clara a un œil d’aigle, fit en riant une des autres femmes.J’ai entendu dire que vous n’avez pu apporter grand-chose avec vous, Doña Clara.— Mon départ a été un peu précipité.— Et la robe ? demanda une femme aux yeux vifs et aux cheveux abondamment bouclés.En attendant que l’on trouve pour Doña Clara de l’étoffe lui permettant de constituer sa propre toilette… Sancha, apporte-moi la robe ! lança-t-elle par-dessus son épaule.Une suivante entra, porteuse d’une lourde robe de soie dont l’encolure, les manches et le corsage étaient brodés d’hermine.L’ourlet était doublé de vair, et la soie était de la douce couleur verte de l’eau d’une crique paisible.Doña Eleanora portait la même couleur quand Clara l’avait entrevue pour la première fois, plusieurs années auparavant.— Puisque vous voulez vous rendre utile, dit la dame de compagnie aux cheveux bouclés.Sa Majesté désire que l’on change la bordure de cette robe.Vous pourrez m’y aider.Venez vous asseoir auprès de moi.— Que faut-il faire ? demanda Clara en s’installant sur le siège qu’on lui avançait.Sancha disposa la robe sur les genoux des deux femmes et disparut.— Il faut la débarrasser de son hermine, Doña Clara, et mettre plus de vair sur l’ourlet.— Cela ne devrait pas être trop difficile.Mais puis-je demander à qui j’ai l’honneur de m’adresser ? ajouta-t-elle d’une voix si basse que l’on eût dit un chuchotement [ Pobierz całość w formacie PDF ]

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