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.Pour elles chaque vague, chaque brasse d’océan traversée, chaque caresse du flot était un pas vers la mort.En cette nuit, il n’y avait plus de routes à ornières, plus de chaussées, plus de lacets ni de carrefours, il n’y avait qu’un incessant cheminement.Une procession multiple et sans fin vers des lieux où attendait la vie.Une autre vie.Pour d’autres temps.Le cycle avait l’âge de la vie.Il la perpétuait en tuant.Une hirondelle sur deux parmi celles qui volaient n’atteindrait pas le terme du voyage, mais sans ce départ, toutes seraient mortes.Les oiseaux suivaient les insectes, les mammifères avançaient en direction des herbages verts, des prairies grasses encore offertes au soleil et aux pluies bienfaisantes tandis que, vers l’extrême nord d’où ils venaient, déjà la neige recouvrait la toundra.Profitant des heures de forte rosée, les anguilles quittaient les étangs et les lacs, rampaient sur les prés trempés jusqu’aux fleuves qui allaient les porter à la mer.C’était une nuit de bouleversement du monde.Dans leurs maisons chaudes qui les isolaient des vérités profondes, sous des toitures plus opaques que les nuées, à l’abri de tentes où pénétrait la clarté rougeoyante d’un feu de bois, les humains dormaient.Privés de l’instinct qui pousse les individus où va l’espèce depuis des millénaires, hommes, femmes et enfants demeuraient insensibles à ces déferlements.Au seuil de l’hiver, ces êtres écrasés de sommeil étaient pareils à des îlots de pierre au milieu du flot en marche vers d’autres étés.Lorsque la lumière du jour fit pâlir les astres les plus proches du levant, les outardes survolaient déjà la vallée du Saint-Laurent.En dessous d’elles, des constellations étranges se dessinaient parmi des alignements de blocs.Certaines se tenaient au bord du fleuve, d’autres au creux des vallées, d’autres encore traçaient des rectangles et des croix en pointillé au centre des plaines.Parmi elles, quelques météores filaient, comme perdus.Les outardes savaient que ces étoiles de la terre n’indiquaient aucune route sensée.Elles les ignoraient pour se guider à présent sur la lueur qui montait de la mer, là-bas, vers ces lointains infinis où s’annonçait déjà le rayon vert de l’océan transparent.13Le petit jour acide les saisit au sortir de la tente.Ils hésitèrent, mais déjà Raoul remontait du lac, sa serviette sur la nuque et son sac de peau à la main.Son torse nu était rouge, ses épaules encore humides fumaient.— L’ouest donne de la gueule ! cria-t-il.C’est bon pour la voile.Allez, allez, faut profiter, pas de traînasseries !La journée s’amorçait dans la joie avec une belle clarté blonde Sur les lointains mauves.Le rire du coureur de bois les gagna tous, son entrain les tira hors des dernières tiédeurs moites du sommeil.Ayant quitté sa chemise, Stéphane ramassa une serviette et descendit vers le lac en copiant son attitude et sa démarche sur celles de l’oncle.Comme il disparaissait derrière les buissons, sa sœur lança :— Y va pas se laver, c’est pour faire semblant !Le garçon ne daigna même pas hausser les épaules.Le chargement se fit tandis que cuisait la soupe de farine et de poisson fumé, puis, le déjeuner pris, ils embarquèrent sur une eau de lumière qui portait de larges bancs de feuilles mortes ondulant comme des laves rousses.Le vent avait juste ce qu’il fallait de vigueur pour pousser les canots.Enveloppé dans une peau d’ours bien sèche, accroupi à l’avant du premier bateau, Stéphane tenait l’écoute, tirant ou relâchant lorsque son oncle criait :— Serre un peu !… Donne du mou !La petite voile carrée tendait vers le large son ventre brun tout rond de ce bon vent régulier.L’eau clapotait claire le long de la coque d’écorce.Le ciel s’offrait d’un seul tenant, limpide et luisant, d’un bleu légèrement délavé mais subtil.Chaque niveau de sa profondeur charriait sa flottille d’oiseaux.Au cul du canot, son bonnet bien enfoncé sur les oreilles et son col de loutre relevé, Raoul gouvernait à la pagaie.Une légère rotation du poignet de temps en temps suffisait à maintenir le cap.L’embarcation filait droit vers un point de l’autre rive, dans le sens exact de la vague porteuse.L’autre canot suivait.Catherine manœuvrait la voile tandis que son homme gouvernait.Il donnait sans cesse de la voix.La proue moins décidée semblait chercher sa route en humant la crête des vagues.Délestés des lits abandonnés, un peu plus hauts sur l’eau, les bateaux risquaient moins d’embarquer.À midi, ils avaient franchi dans toute sa longueur le lac des Quinze.Sans s’arrêter, ils s’engagèrent dans le lac Expanse dont ils n’avaient à traverser que la corne septentrionale.En direction du soleil, le miroir aveuglant était si vaste qu’on devinait à peine l’autre rive, simple ourlet violacé où papillotait une buée incolore.Pétri sans relâche par le relief tourmenté, le vent se fit plus capricieux.La navigation devint moins aisée.Des rafales prenaient les embarcations par le travers, des vagues nerveuses giflaient les bordages, levant du poudrin qui fouettait les visages.À force d’être ventée, la peau devenait douloureuse, puis on finissait par ne plus la sentir.Stéphane riait, se saoulant à plaisir de ce qui commençait à effrayer Louise [ Pobierz całość w formacie PDF ]

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