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.Un Bloodshield s’opposait à moi et je le terrassai, trouvant l’interstice entre son plastron et son casque et, lorsque, d’une secousse, j’eus libéré mon épée de sa chair, je tailladai sauvagement l’ennemi suivant, un dément, et l’envoyai tournoyer, le sang jaillissant de sa joue, de son nez et de son œil.Ces premiers adversaires étaient arrivés en courant, devant le mur de boucliers de Mordred, mais maintenant le gros des ennemis nous assaillait ; nous nous arc-boutâmes pour contrer leur attaque et hurlâmes nos défis en allongeant des bottes par-dessus le bord de nos boucliers.Je me souviens de la confusion, du bruit des épées et des boucliers s’entrechoquant.La bataille est une question de coudées, pas de lieues.La coudée qui sépare un homme de son ennemi.Vous sentez l’hydromel dans son haleine, vous l’entendez respirer, grogner, vous le sentez passer d’un pied sur l’autre, il vous postillonne dans l’œil, et vous guettez le danger, vous regardez dans les yeux celui que vous devez tuer, vous trouvez une brèche, vous l’utilisez, vous refermez le mur de boucliers, vous avancez d’un pas, vous sentez la poussée des hommes qui vous suivent, vous trébuchez sur les corps de ceux que vous avez tués, vous reprenez votre équilibre, vous faites un pas en avant, et après vous vous rappelez peu de choses, sauf les coups qui ont failli vous tuer.Vous poussez le bouclier de l’adversaire avec le vôtre, vous portez des coups de pointe et vous vous efforcez de pratiquer une brèche dans leur mur de boucliers, puis vous grognez, vous allongez une botte et vous ferraillez pour l’élargir, et alors la folie s’empare de vous lorsque l’ennemi cède et vous commencez à tuer comme un dieu de la guerre, parce que l’ennemi épouvanté s’enfuit, ou se fige sur place, et tout ce qu’il peut faire c’est mourir pendant que vous moissonnez des âmes.Et de nouveau, nous les battîmes.De nouveau, nous utilisâmes les flammes de notre bûcher funéraire, et de nouveau, nous rompîmes leur mur, mais ce faisant, le nôtre aussi.Je me souviens du soleil brillant derrière la grande colline, à l’ouest, et de m’être avancé en titubant sur une parcelle de sable inoccupée et d’avoir crié à mes hommes de me soutenir, et je me souviens d’avoir abattu Hywelbane sur la nuque exposée d’un ennemi, d’avoir regardé le sang couler dans la chevelure tranchée et sa tête retomber en arrière, puis j’ai vu que les deux murs s’étaient mutuellement rompus que nous n’étions plus que de petits groupes d’hommes ensanglantés combattant sur une étendue de sable tout aussi ensanglantée et jonchée de tisons.Mais nous avions gagné.L’arrière-garde ennemie s’enfuit plutôt que de souffrir plus longtemps nos épées, pourtant au centre, où Mordred combattait, où Arthur combattait, l’affrontement continua et devint acharné autour de nos deux chefs.Nous tentâmes d’encercler les hommes de Mordred, mais ils se défendaient valeureusement et je vis combien nous étions peu nombreux, et que beaucoup d’entre nous ne se battraient plus jamais parce qu’ils avaient versé leur sang sur le sable de Camlann.Une foule d’ennemis nous regardaient des dunes, mais c’étaient des lâches et ils ne descendraient pas secourir leurs camarades, aussi ce qui restait de nos hommes combattit avec ce qui restait de ceux de Mordred, et je vis Arthur tailler l’ennemi avec Excalibur en essayant d’atteindre le roi ; Sagramor était là, et Gwydre aussi, et je me joignis à eux, repoussant une lance avec mon bouclier, avançant à coups d’épée, la gorge sèche, la voix comme un croassement de corbeau.Je frappai un autre homme et Hywelbane laissa une balafre sur son bouclier, il recula en titubant et n’eut pas la force d’avancer de nouveau, la mienne s’épuisait, alors je me contentai de le regarder fixement ; la sueur me brûlait les yeux.Il revint lentement à l’attaque, je frappai, le coup porté sur son bouclier le fit reculer en vacillant, et il brandit sa lance, et ce fut mon tour de faire un pas en arrière.Je haletais, et sur toute la levée des hommes épuisés se battaient avec des hommes épuisés.Galahad était blessé, le bras droit cassé, le visage ensanglanté.Culhwch était mort.Je n’ai pas vu la chose arriver, mais plus tard, j’ai découvert son corps ; deux lances étaient fichées dans l’aine, point faible que l’armure ne protège pas.Sagramor boitait, mais sa vive épée semblait toujours aussi meurtrière.Il faisait tout pour protéger Gwydre qui saignait d’une coupure à la joue et tentait de rejoindre son père.Les plumes d’oie du cimier d’Arthur étaient rouges et son manteau blanc zébré de sang.Je le regardai frapper un adversaire de haute taille, repousser d’un coup de pied sa botte désespérée et le tailler en pièces avec Excalibur.C’est alors que Loholt l’attaqua.Je ne l’avais pas vu jusqu’à cet instant, mais lui aperçut son père et éperonna son cheval en le visant de sa lance, qu’il tenait dans son unique main.Il entonna un chant de haine en chargeant dans la foule des hommes las.Son destrier, terrifié, roulait des yeux blancs, mais les éperons le tenaillaient.Sagramor jeta une lance entre les pattes du cheval qui tomba en soulevant une averse de sable.Le Numide, affrontant les sabots qui battaient l’air, abattit obliquement son sabre, telle une faux, et je vis le sang jaillir du cou de Loholt ; juste comme Sagramor lui arrachait l’âme, un Bloodshield se précipita sur mon ami et lui asséna un coup de lance.Sagramor le repoussa d’un revers de son épée en l’aspergeant du sang de Loholt, et le Bloodshield tomba en hurlant, mais alors un cri nous apprit qu’Arthur avait rejoint Mordred et nous nous retournâmes instinctivement pour regarder les deux hommes qui s’affrontaient.Toute une vie de haine accumulée animait leurs bras.Mordred prit lentement son épée et la brandit pour manifester à ses hommes qu’il voulait Arthur pour lui seul.Dociles, ils s’éloignèrent lourdement.Tout comme le jour où il avait été proclamé roi sur Caer Cadarn, Mordred était tout de noir vêtu.Mantelet noir, plastron noir, chausses noires, bottes noires et casque noir.Les coups portés sur son armure noire avaient raclé la couche de poix, laissant par endroits le métal à nu.La poix recouvrait aussi son bouclier, et seuls un brin de verveine flétri qu’il portait à son col et les orbites du crâne qui couronnait son casque apportaient à sa tenue quelques touches de couleur.Ce devait être un crâne d’enfant, car il était très petit, et on en avait bourré les orbites de morceaux de tissu rouge.Mordred s’avança, boitant de son pied bot et faisant tournoyer son épée.Arthur nous fit signe de reculer pour lui laisser de la place.Il prit Excalibur bien en main et leva son bouclier d’argent balafré et couvert de sang.Combien étions-nous encore ? Je l’ignorais.Quarante ? Peut-être moins.Le Prydwen avait atteint le coude du chenal de la rivière et glissait maintenant vers nous avec la pierre de spectre encastrée dans sa proue, la voile à peine agitée par la brise.Les avirons plongeaient et se relevaient.La marée était presque haute.Mordred se fendit, Arthur para, puis passa à l’attaque et le roi recula.Il était vif et jeune, mais son pied bot et la grave blessure à la cuisse reçue en Armorique le rendaient moins agile que son adversaire.Il passa la langue sur ses lèvres sèches et revint à l’attaque ; les épées s’entrechoquèrent bruyamment dans l’air du soir.L’un des spectateurs ennemis vacilla soudain, tomba sans raison apparente et ne bougea plus tandis que Mordred s’avançait rapidement et abattait son épée en traçant un arc de cercle aveuglant.Arthur para avec Excalibur, puis de son bouclier frappa Mordred qui s’écarta en titubant [ Pobierz całość w formacie PDF ]

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