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.Je remerciai le steward, j’abordai ces deux messieurs et, les invitant à entrer dans la suite, je reculai dans l’ombre comme j’en avais l’habitude lors de ce genre de rencontre et je les priai de me pardonner de ne pas allumer.Pour tout dire, la lumière qui passait par les portes de la véranda était tout à fait suffisante, expliquai-je, compte tenu du triste état dans lequel j’avais la peau.Les deux hommes étaient profondément troublés, très méfiants et je fis une fois de plus de mon mieux pour les convaincre.« Qu’est-il arrivé au docteur Alexander Stoker ? demandai-je.C’est mon médecin personnel, et je suis très inquiet.»Le plus jeune des deux, un homme au visage rougeaud avec un accent irlandais, de toute évidence ne croyait pas un mot de ce que je lui disais et il sentait que quelque chose n’allait pas du tout dans mon attitude et dans mes propos.Mon seul espoir était de faire sombrer ce personnage dans la confusion la plus totale pour le contraindre à rester silencieux.L’autre, le grand Anglais bien élevé, était beaucoup plus facile à ensorceler, et il se mit tout de go à me raconter l’histoire en détail.« Il semble que le docteur Stoker n’était pas vraiment le docteur Stoker mais un homme venant d’Angleterre, répondant au nom de David Talbot, bien qu’il refusât d’expliquer pourquoi il avait utilisé un faux nom.— Vous savez, monsieur, ce Mr.Talbot avait une arme à bord ! » me déclara le plus grand des deux officiers tandis que l’autre continuait à me dévisager avec une profonde méfiance.« Bien sûr, cette organisation de Londres, ce Talamasca ou Dieu sait quoi, s’est confondue en excuses et a tenu à arranger tout cela.Cela a fini par se régler avec le commandant et des gens de la direction de la Cunard.La compagnie n’a pas porté plainte contre Mr.Talbot quand celui-ci a accepté de faire ses bagages, de se laisser escorter à terre et conduire jusqu’à un avion qui décollait immédiatement pour les États-Unis.— Pour quelle destination aux États-Unis ?— Pour Miami, monsieur.D’ailleurs, c’est moi qui l’ai accompagné à l’aéroport.Il a insisté pour que je vous transmette un message de sa part, monsieur, en disant que vous devriez le retrouver à Miami à votre convenance.Au Park Central Hôtel.Il m’a répété ce message je ne sais combien de fois.— Très bien, répondis-je.Et l’homme qui l’a attaqué ? L’homme sur qui il a tiré ?— Nous n’en avons pas trouvé trace, monsieur, bien qu’à n’en pas douter cet homme ait été vu à bord précédemment par un certain nombre de passagers et, semble-t-il en compagnie de Mr.Talbot ! D’ailleurs, la cabine du jeune monsieur est là-bas, et je crois bien que vous y étiez, en train de parler au stewart, quand nous sommes arrivés ?— Toute cette affaire est extrêmement surprenante, dis-je de mon ton le plus assuré.Vous pensez que ce jeune homme aux yeux bruns n’est plus à bord ?— Nous en sommes pratiquement certains, monsieur, bien qu’il soit évidemment tout à fait impossible de procéder à une fouille complète d’un paquebot comme celui-ci.Les affaires du jeune homme étaient toujours dans la cabine quand nous l’avons ouverte.Il a bien fallu le faire, évidemment, puisque Mr.Talbot affirmait qu’il avait été attaqué par le jeune homme et que ce dernier voyageait lui aussi sous un faux nom ! Nous avons évidemment mis ses bagages sous clé.Monsieur, si vous voulez bien venir avec moi jusqu’au bureau du commandant, je pense que vous pourriez peut-être jeter quelque lumière sur… »Je m’empressai de déclarer qu’en vérité je ne savais rien de tout cela.Je ne me trouvais pas dans la cabine à ce moment-là.À vrai dire, j’étais descendu hier à terre à Grenade sans savoir le moins du monde qu’aucun de ces deux hommes était à bord.Et j’avais débarqué ce matin à la Barbade pour une journée de tourisme sans me douter que cette fusillade avait eu lieu.Tout ce calme et habile discours de ma part n’était qu’une couverture pour les efforts de persuasion que je continuais à déployer pour eux : ils devaient me laisser maintenant pour que je puisse me changer et prendre quelque repos.Quand j’eus refermé la porte sur eux, je savais qu’ils allaient droit chez le commandant et que je ne disposais que de quelques minutes avant leur retour.Peu importait véritablement.David était sain et sauf ; il avait quitté le navire et s’était rendu à Miami où je devais le retrouver.C’était tout ce que je voulais savoir.Heureusement, il avait trouvé un vol pour quitter la Barbade.Car Dieu seul savait où James pouvait se trouver maintenant.Quant à Mr.Jason Hamilton, dont j’avais le passeport dans ma poche, il avait encore dans sa suite une penderie pleine de vêtements, et je comptais bien faire usage sans tarder de quelques-uns d’entre eux.J’ôtai ma veste de smoking froissée et autres atours de soirée – la tenue de vampire par excellence – et je trouvai une chemise de popeline, une veste de toile convenable et un pantalon.Tout cela bien sûr était exactement aux mesures de ce corps-ci.Même les chaussures de toile m’allaient à merveille.Je pris le passeport avec moi, ainsi qu’une somme appréciable en dollars américains que j’avais trouvée dans les vieux vêtements.Puis je ressortis sur la véranda et je restai un moment à me faire caresser par la douce brise, mes yeux passant rêveusement sur la mer d’un bleu profond et lumineux.Le Queen Elizabeth II fonçait maintenant à la vitesse de vingt-huit nœuds qui avait fait sa gloire, les vagues translucides se fracassant sur sa proue puissante.L’île de la Barbade avait totalement disparu à l’horizon.Je levai les yeux vers la grande cheminée noire qui dans son immensité semblait être la cheminée même de l’enfer.C’était un magnifique spectacle que de voir l’épais panache de fumée qui en sortait pour se recourber et descendre jusqu’au niveau de l’eau sous le souffle continu du vent.Mon regard se porta de nouveau vers l’horizon lointain.Le monde tout entier semblait baigné d’une belle lumière azurée.Par-delà une légère brume que des mortels n’auraient pas pu déceler, je distinguai le scintillement des constellations et les formes sombres des planètes dérivant avec lenteur.J’étirai mes membres, ravi de les sentir et d’apprécier les douces vagues qui parcouraient mes épaules et mon dos.Je m’ébrouai, charmé de sentir mes cheveux sur ma nuque, puis je m’accoudai au bastingage.« Je vous rattraperai, James, murmurai-je.Vous pouvez en être certain.Mais pour l’instant j’ai d’autres choses à faire.Pour le moment, préparez donc en vain vos petits complots.»Puis je m’élevai lentement vers le ciel – aussi lentement que je le pouvais – jusqu’au moment où je me trouvai très haut au-dessus du navire et où je pus le contempler, admirant ses divers ponts entassés les uns sur les autres et festonnés de si nombreuses petites lumières jaunes
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