[ Pobierz całość w formacie PDF ]
.On décida finalement de laisser les portes ouvertes, et un nouveau cordon de soldats, lances entrecroisées, s’installa auprès d’elles.La salle était profonde et humide ; au pied des gradins, sur la droite, se trouvait le banc des accusés.Installés côte à côte, Escartille, Héloïse et Aimery avaient peine à voir ce qui se passait.Devant eux, deux géants ne cessaient de se lever et de se baisser pour interpeller leurs camarades assis un peu plus loin.À leur droite, un aubergiste corpulent, au faciès de taureau, menaçait de ratatiner Héloïse, l’obligeant à se pencher dangereusement au-dessus d’une femme à l’opulente poitrine, tandis qu’elle luttait pour retirer son pied coincé entre deux gradins.Elle se contorsionna jusqu’à se dégager enfin, puis regarda en direction de l’estrade.La table devant laquelle siégeaient les juges avait été recouverte d’un dais brodé d’or et de noir, parsemé de croix, dont la plus grande était entremêlée avec les armoiries de Rome et la figuration de la tiare papale ; voilà qui rappelait à tous quelle suprême autorité commandait les débats, et sous quelle ombre tutélaire justice serait rendue.Escartille vit un groupe de soldats déboucher par une porte située au fond de la salle.L’un d’eux annonça l’arrivée de la cour.Un aubergiste aviné se dressa en faisant tournoyer son index, prêt sans doute à tonitruer quelque profonde vérité.Il prit un coup sur la tête et fut contraint de se rasseoir.Les juges entrèrent dans le brouhaha général ; à nouveau, des sifflets se firent entendre.Cette apparition fit trembler Héloïse.Elle mit une main sur sa bouche et murmura pour elle-même : Mon Dieu, pourquoi ? Quelle folie m’a prise de venir assister à cette horreur ?Son regard revint vers les juges, puis vers Escartille, dont la main se crispait sur son bâton, qui ne l’avait pas quitté.— Qui est-ce ? demanda celui-ci, désignant les inquisiteurs à sa voisine de gauche.C’était une paysanne joufflue, qui roulait des yeux exorbités.Les mains jointes sur sa robe, elle triturait nerveusement quelques fils de tissu grossier.— Comment, messire, vous ne le savez pas ? L’homme que vous voyez ici, à la barbe noire, c’est Étienne de Saint-Thibéry, un bon père franciscain, répondit-elle.Et l’autre, avec la barbe blanche, s’appelle Guillaume Arnaud.Ce sont eux les seuls vrais juges de la cause qui se dispute aujourd’hui.Les autres, je ne les connais pas.On attend l’évêque Aguilah cet après-midi, avec le sénéchal royal de Carcassonne ; et je crois, mon Dieu ! que les juges veulent faire diligence dans le traitement de cette affaire.Le tribunal était à présent au complet.Les deux hommes, barbe noire et barbe blanche, prirent place côte à côte, sur des fauteuils d’égale dimension, exactement au milieu de l’estrade, devant une longue table.Ils portaient chacun l’austère vêture de leur ordre ; Étienne de Saint-Thibéry, le premier, avec son regard de loup, son nez aquilin, était passé maître dans l’art de la controverse théologique.Grand et sec, il venait de ramener une main sous son menton et, les yeux plissés, paraissait détailler le visage de chacun des membres de la foule.Son aube sombre lui donnait l’air d’un oiseau de mauvais augure.Il n’avait pas fallu longtemps pour que ce franciscain intransigeant impose sa redoutable réputation.Bras armé de Dieu pour les uns, fanatique pour les autres, il mettait un zèle de tous les instants à l’exécution de sa sacrée tâche, dans le droit fil des recommandations de son mentor, Aguilah lui-même.L’autre, Guillaume Arnaud, représentait l’ordre dominicain.Le front bombé sous sa tonsure, il s’empêtrait dans sa bure à chacun de ses mouvements ; ses sourcils fournis se rejoignaient l’un l’autre par-dessus son nez ; son menton venait s’écraser en plis adipeux par-dessus son crucifix.Il agita un instant ses amples manches afin de les retrousser, puis se pencha pour échanger quelques mots avec le greffier, à qui l’on avait réservé une petite table au pied de l’estrade, et qui venait d’arriver.Il se tourna ensuite vers Étienne et lui parla à l’oreille.Le franciscain approuva en silence, sans quitter des yeux les membres de l’assemblée, qu’il continuait d’ausculter un à un.De chaque côté des inquisiteurs, les assesseurs prirent place à leur tour.On trouvait là Garsias d’Aure, Bernard de Roquefort, Raymond Carbonier, Raymond Costiran, dit Raymond l’Écrivain, car il était, comme Escartille, un ancien troubadour, devenu quant à lui archidiacre catholique de Lézat.Tandis que le greffier affûtait sa plume, deux abbés s’approchèrent d’eux.Ils portaient de lourds registres, qu’ils disposèrent devant Guillaume Arnaud.Il y en avait six ; Guillaume ouvrit l’un d’eux et, s’efforçant de se concentrer, fronça ses sourcils broussailleux pour décrypter ce qu’il avait sous les yeux.Des sommes rédigées page après page, d’une écriture minuscule.De volumineux recueils à la couverture marquée de sceaux incompréhensibles, et qui rassemblait tout ce que l’humanité pouvait avoir de plus perfide.Enfin, on fit venir l’accusée.Héloïse sentit son cœur bondir.Sa sœur était toute de beauté et de majesté tranquille ; elle avançait au milieu des archers dans sa robe noire, une lourde croix pendant à son cou ; mais les cernes profonds sous ses yeux, son corps famélique, tout indiquait ces privations qu’elle avait dû supporter.Et le procès commença.Escartille, à cet instant, éprouva lui aussi une émotion pathétique.C’était soudain l’histoire de trente années de guerre qui refaisait surface.Aude n’était pas seulement Aude.En ce jour, elle était l’Occitanie à genoux.Étienne de Saint-Thibéry attendit patiemment que le silence se fasse dans la salle bondée ; des « chuuut ! » parcoururent les rangs, et finalement, on se tut complètement.Chacun retenait sa respiration.D’une voix grave et profonde, Étienne de Saint-Thibéry lut au nom du pape la mise en accusation.Courbé en avant, Guillaume Arnaud renchérit en précisant chacun des chefs imputés à la prévenue.Mais il était si près de son rouleau et mettait tant de concentration dans sa lecture qu’il en oubliait de donner de la voix.— Plus fort ! osa un manant, aussitôt transpercé du regard par un archer.Guillaume toussa une ou deux fois, se racla la gorge et monta le ton.Bientôt, l’accusée fut priée de se lever.Aude s’approcha de la barre dressée devant elle.La foule put contempler son visage.Elle se préparait à l’ultime combat de sa vie.Sa sérénité n’était que façade, et Héloïse ne devinait que trop la tension qui nouait les entrailles de sa sœur.Les yeux de la parfaite étincelaient encore, ils avaient le même éclat que dans la forêt ; mais quelque chose avait changé.On y décelait la stupeur du soldat demeuré seul au milieu des cadavres, sur le champ de bataille [ Pobierz całość w formacie PDF ]

  • zanotowane.pl
  • doc.pisz.pl
  • pdf.pisz.pl
  • rurakamil.xlx.pl
  •