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.Thomasina qui somnolait sur une chaise au coin du feu s'éveilla en sursaut, et se serait activée mais Kathryn insista pour qu'elle se retire.—Je ne le ferai certainement pas avant ce maudit Irlandais ! marmonna la servante.Je connais les hommes comme lui : ils boivent comme des trous, et c'est l'occasion de chansonnettes et tralala.— Thomasina!La nourrice porta son regard sur le visage défait de Kathryn, sa bouche tendue, ses cernes sous les yeux.—Je vais me coucher, Maîtresse, dit-elle doucement, et vous devriez en faire autant.Elle avança et saisit la main de Kathryn.— C'est l'Irlandais?Kathryn hocha la tête.— Ils pourraient le rappeler à Londres.—Idiote ! répliqua Thomasina.Allons, Kathryn, laissez cet homme gagner sa vie.Je vais verrouiller la maison.Allez au lit, et ne vous tracassez pas.Comme on dit en Irlande : « Nous brûlerons ce pont quand nous y arriverons.»Dans le sombre cabinet de magie de Tenebrae, Morel non plus ne dormait pas.Assis sur un tabouret, il fixait le siège où il avait découvert son maître assassiné.Morel tentait de comprendre ce qui était arrivé à son univers.Tenebrae s'était montré un maître impitoyable, mais Morel n'en avait jamais eu d'autre.Voilà bien des années, quand on le montrait comme un monstre dans une troupe ambulante de saltimbanques et de baladins, Tenebrae l'avait acheté.Oh, il l'avait battu, lui avait fait peur, l'avait terrifié, même.Néanmoins, il lui avait mis des vêtements sur le dos et lui avait rempli le ventre.Il lui avait donné un lit doux et un oreiller rempli de plume, des placards et des commodes, et aussi des bourses pleines de pièces.Morel s'était senti heureux, tapi comme un oiseau de nuit dans l'ombre de la grandeur de Tenebrae.A présent, son maître était parti.Cela, Morel ne pouvait le comprendre : le mage ne pouvait pas mourir, voyons ! Certes, il avait vu la flèche dans sa gorge, et le grand Livre des ombres avait disparu.Mais cela faisait partie d'un plan secret, c'était sûr.Son maître n'avait-il pas dit, un jour : « Morel, je puis aller et venir à ma guise, je puis même mettre à sac la Vallée de la Mort, et pourtant revenir ! »Morel gardait les yeux fixés sur le siège vide.La maison grinça.Il avait toujours trouvé cela singulier.Tenebraen'avaitpasd'animaldomestique, ni chat, ni chien, mais pas une seule fois au cours de toutes ces années qu'ils avaient vécu ici, Morel n'avait vu détaler une souris, un rat ou même une araignée.— Où êtes-vous, Maître? murmura-t-il dans les ténèbres.Comme en réponse à sa question, la vieille chouette qui venait chasser dans la ruelle hulula tristement.Morel poussa un soupir.Cela signifiait-il que son maître allait revenir? Mais dans ce cas, aurait-il besoin d'aide? De celle de Morel ? Le serviteur reprit courage.Et à son retour, peut-être le mage le récompenserait-il ? Avec un bon repas? Ou des pièces de monnaie? Ou même, comme cela lui arrivait parfois, il achèterait une putain pour Morel, et les regarderait s'ébattre sur son lit, dans la chambre au-dessus : une fille fraîche et ronde.Morel se lécha les babines.Comment son maître était-il mort ? Cela le troublait.Il était certain que tous les clients de Tenebrae, ceux qui appartenaient à cette société d'orfèvres, avaient été reçus puis étaient partis.Bogbean l'avait confirmé.Morel lui avait rafraîchi la mémoire en lui serrant le cou jusqu'à que son visage devienne marbré, que ses yeux sortent, et qu'il cherche son souffle en haletant.Après, il avait assuré qu'il ne s'était rien passé de louche.La maison n'avait pas de passage secret, c'est pourquoi Morel croyait maintenant que Tenebrae avait organisé sa mort dans un but bien particulier.Le serviteur remua sur son tabouret et leva les yeux sur le capricorne peint en rouge au plafond.Et les autres? L'Irlandais dont la main s'agitait sans cesse sur le pommeau de sa dague? Et ce Foliot à l'œil affûté qui arrivait tout droit de la cour ? Morel grogna avec mépris.Mais qu'en était-il de Maîtresse Swinbrooke ? L'homme plissa les yeux avant de se balancer doucement d'avant en arrière.Swinbrooke était maligne : elle détenait le pouvoir.Elle l'aiderait à faire revenir Maître Tenebrae.CHAPITRE VKathryn s'éveilla tôt après une mauvaise nuit.Elle s'était tournée et retournée dans son lit, parce que la menace de Foliot lui faisait peur.Elle avait aussi essayé d'imaginer ce qui avait pu se produire le matin de la mort de Tenebrae.Se redressant, elle s'appuya contre les oreillers et ferma les paupières pour se remémorer l'escalier sombre menant au cabinet du mage.Morel tapait à la porte : Tenebrae ouvrait, et le client entrait.Quand l'entretien était terminé, Tenebrae faisait sortir son hôte par la porte du fond.Ce dernier passait alors devant la fenêtre fermée et descendait les escaliers.Une fois dehors, la porte elle-même ainsi que Bogbean interdisaient à quiconque de se réintroduire dans la maison.Kathryn avait beau réfléchir, elle ne voyait pas de solution au mystère.Elle cogna les poings contre les couvre- pieds en boule autour d'elle.— Un de ces pèlerins est l'assassin, murmura-t-elle pour elle-même.Sachant qu'il était dangereux de ruminer ses pensées, elle sortit de son lit, se lava et s'habilla prestement.Cela fait, elle descendit à la cuisine où Thomasina préparait déjà le feu dans l'âtre.Elle déjeuna avec du fromage, un fruit et du pain de la veille, répondant en marmonnant aux questions incisives de la servante
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