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.Elle regorgeait d’équipages, de cavaliers et de promeneurs élégants, cette magnifique avenue par laquelle devaient passer, l’année suivante, les Allemands vainqueurs.Personne alors ne songeait à la guerre et Paris n’avait jamais été si brillant.On se ruait au plaisir, comme si la fin du monde eût été proche, et pourtant nul n’avait le pressentiment des malheurs qui allaient fondre sur la France.Hervé moins que tout autre, et, en ce moment, il pensait beaucoup plus au présent qu’à l’avenir.Il cherchait à deviner ce que ses trois ennemis avaient pu se dire pendant cette conférence au parc Monceau et surtout ce qu’ils allaient faire.Certainement, ils venaient d’arrêter un plan de campagne et ils ne perdraient pas de temps pour l’exécuter.Mme de Cornuel devait coopérer à l’exécution, ce n’était pas douteux.Peut-être même était-ce elle qui l’avait conçu, ce plan adopté, après discussion, par ses deux complices.Ils lui avaient reproché d’abord une fausse manœuvre, mais elle s’était disculpée, et elle en avait proposé d’autres qui répareraient l’erreur commise et qui assureraient le succès final.Quel but visaient-ils et contre qui allaient-ils tourner les armes dont ils disposaient?Évidemment, contre Scaër et contre Mme de Mazatlan qui les gênaient; peut-être aussi contre Alain, que la Cornuel connaissait bien et qui pouvait devenir dangereux; mais ils ne devaient pas tenir à les exterminer.Ils avaient déjà assez de méfaits à cacher, et ils ne supprimeraient pas impunément ces trois personnes comme ils avaient fait disparaître jadis Héva Nesbitt, sa mère et son oncle.Il leur suffisait de les surveiller.Leur but, c’était d’effacer les traces des crimes de 1860, en attendant que la dixième année fût révolue.Il s’en fallait de quelques mois seulement et, après, ils n’auraient plus rien à redouter de la justice.Ces traces, on les trouverait dans la maison de la rue de la Huchette, si l’incendie ne les avait pas anéanties.C’était là que les coupables allaient opérer.Il s’agissait de les gagner de vitesse.Ces raisonnements occupèrent Hervé jusqu’à l’heure où il dut songer à ne pas manquer le rendez-vous pris avec Alain Kernoul.Il dîna seul dans un restaurant des Champs-Élysées, peu fréquenté pendant l’hiver: il dîna longuement, et, réconforté par un repas arrosé de grands vins, il se dirigea par les quais vers le pont de la Tournelle.La nuit était noire et le temps s’était refroidi.Hervé cheminait à contre vent sur des quais exposés à toutes les bises.Il avait déjà beaucoup marché dans la journée et le trajet lui parut long.Il pestait même contre Alain qui lui avait donné rendez-vous à l’autre bout de Paris, alors qu’il aurait pu choisir le fond de la place du Carrousel aussi désert, le soir, que les dessous du pont de la Tournelle et moins périlleux.Il se dit pourtant que le gars aux biques ne faisait rien sans réflexion et qu’il devait avoir eu de bonnes raisons pour préférer les bords de la Seine.Hervé, du reste, s’était précautionné dès le matin contre les inconvénients et contre les dangers d’une conférence nocturne sur une berge écartée, en plein hiver.Il s’était vêtu chaudement, il avait mis dans sa poche un revolver chargé et il tenait à la main une canne solide.Ainsi équipé, il pouvait braver les intempéries et il ne craignait personne.Il était d’ailleurs décider à jouer sa vie, s’il le fallait, pour atteindre son but qui était de démasquer les assassins d’Héva en découvrant la preuve matérielle de leur crime.Il arriva sans incident à la pointe de l’île Saint-Louis et dix heures sonnaient à l’horloge de l’Hôtel de Ville quand il s’engagea sur le quai d’Orléans, qui précède le quai de Béthune.À dix heures du soir, le boulevard des Italiens est aussi animé qu’en plein jour, mais dans l’île Saint-Louis, tout le monde dort.Pas une boutique ouverte, si tant est qu’il y ait des boutiques sur ce quai où les chalands sont rares, pas une fenêtre éclairée, pas un passant attardé.La rivière même était silencieuse et sombre.La navigation cesse aussitôt que le soleil est couché et à bord des bateaux amarrés le long des rives, les mariniers éteignent leurs falots à l’heure où jadis on sonnait le couvre-feu.— Allons! se dit Hervé, personne ne dérangera notre entrevue.et ce n’est pas ici comme au parc Monceau.on ne pourra pas nous épier sous l’arche, comme j’ai épié tantôt ces coquins sous l’orme.il me paraît qu’il y fait noir comme dans un four, sous ce pont.Pourvu que le gars ne se fasse pas attendre!.Le seigneur de Scaër monologuait ainsi en descendant la rampe qui allait du quai à la berge.Quand il fut au bas, il lui sembla voir quelque chose remuer dans l’ombre projetée par le pont et il mit la main sur son revolver.Mais un appel connu des Bretons frappa son oreille: le chant du hibou, qui fut le cri de ralliement des Chouans et qu’on n’entend jamais à Paris.Hervé comprit que c’était Alain qui s’annonçait ainsi et il ne se trompait pas, car le gars aux biques, sortant de son embuscade sous la voûte, s’avança vivement à la rencontre de son maître.— Comment diable! t’y es-tu pris pour me reconnaître? lui demanda Hervé.On n’y voit goutte.— J’y vois la nuit comme les chats-huants, répondit Alain.— Et tu les imites dans la perfection.Tu as bien fait de chanter, car je te prenais pour un rôdeur et je me préparais à te recevoir en te brûlant la figure, dit Scaër en exhibant son revolver.— Je l’ai bien pensé et c’est pour ça que je me suis annoncé de loin.Il pourra servir, votre pistolet.— Contre qui? Est-ce qu’on t’a suivi?— Je ne crois pas, mais là où nous allons, il fera bon être armé.J’ai apporté une trique.— Où veux-tu donc me mener?— Dans la maison brûlée, notre maître.N’était-ce pas convenu?— Tu as découvert un moyen d’y entrer?— Un moyen sûr.J’ai passé toute la nuit dernière dans la cour.Ah! je n’ai pas perdu mon temps depuis que je vous ai quitté sur la place Vendôme! D’abord, j’ai trouvé un logement rue des Grands-Degrés, tout près de la rue de la Huchette.et puis je me suis habillé comme vous voyez.Le gars aux biques portait, sous une limousine de roulier, un bourgeron bleu serré à la taille par une ceinture rouge qui maintenait un pantalon de velours à l’instar des charbonniers auvergnats, il avait chaussé de gros souliers à clous et il s’était coiffé d’un chapeau à larges bords comme les forts de la halle.— Je gagerais que le chef de la figuration du Châtelet ne me reconnaîtrait pas, s’il passait à côté de moi dans la rue, reprit Alain.— C’est très bien, mais.— Je me suis pouillé comme ça pour faire des connaissances dans le quartier.autour de la place Maubert.et j’en ai fait.j’ai aidé les maraîchers qui viennent au marché à décharger leurs voitures et les débardeurs du quai de la Tournelle à décharger les bateaux.j’ai fréquenté la bibine de la rue des Anglais.— La bibine? répéta Scaër
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